Histoire

Alphonse Defumade

Alphonse Defumade 1844-1923

defumade

Alphonse Defumade n’est pas né à Pionnat. Il a eu cependant quelques liens avec la commune en tant qu’élu et en tant que bienfaiteur. Sans doute aussi est-il quelques Pionnatois qui ont fréquenté à Ahun l’établissement qui porte son nom.

Né sous une bonne étoile

Alphonse Defumade, qui a été fils unique, est né le 4 janvier 1844 à Paris où son père, Jean-Baptiste Defumade, achevait ses études de droit et avait récemment épousé Stéphanie Carlot, fille d’un entrepreneur de peinture, âgée de 17 ans.

Jean-Baptiste revint à Ahun pour faire valoir ses propriétés du Chassadis, de Chantemille, de La Cassière, de Clameyrat et du Peylet. À Paris, la famille Carlot était propriétaire de plusieurs immeubles et d’importants terrains dont une partie sera acquise par la Compagnie de chemin de fer d’Orléans, dont Alphonse a été un gros actionnaire.

Alphonse Defumade fit lui aussi son droit et obtint le titre d’avocat mais ne plaida jamais. En 1870, il épousa Thérèse Martin, fille unique d’Aristide Martin, propriétaire à Guéret, à Saint-Fiel, à Sainte-Feyre et à Saint-Vaury. Les parents avaient fait donation à leurs enfants de leurs propriétés et, à 26 ans, Alphonse Defumade était plus que millionnaire. Aux immeubles parisiens il en ajoutera d’ailleurs encore quatre autres, de beau standing, rue d’Assas.

Une longue carrière politique

Dès 1870, Alphonse Defumade s’est affirmé comme républicain. En 1872, il fut un des fondateurs de l’hebdomadaire La Creuse républicaine. Plus tard, il sera élu sous l’étiquette radicale-socialiste. Député, il votera la Séparation des Églises et de l’État et il a été l’un des rares sénateurs à s’opposer à la loi des trois ans en 1913. Mais avant d’être parlementaire, il fut d’abord conseiller général, et ce de 1870 jusqu’à son décès, soit pendant 53 ans, toujours réélu sans concurrent à compter de 1871 et ayant présidé l’assemblée départementale à partir de 1907.

C’est donc en juin 1870 qu’Alphonse Defumade fut élu conseiller général pour le canton d’Ahun dont Pionnat a fait partie jusqu’en 2015. On était encore sous le Second Empire et il l’emporta sur le candidat officiel, Silvain Lasnier, avocat à Guéret, mais propriétaire par sa femme, née Dissandes, du « château » de Grande Baleyte. En 1889, il se présenta aux législatives dans la circonscription de Guéret contre Auguste Lacôte, le député sortant, mais ce fut un échec, les cantons du nord, plus peuplés, ayant massivement voté pour le sortant, originaire de Dun-le-Palleteau. Cependant, en 1893, la circonscription, tout comme celle d’Aubusson, fut dédoublée. La Creuse, qui avait déjà trois sénateurs, aura alors six députés ; ce fut donc une élection facile contre le frère d’Auguste Lacôte. Mais, en raison de la baisse de population, on en revint dès 1898 à quatre députés et Adolphe Defumade subit alors une défaite inattendue face au maire révoqué de Crozant, Oscar Berton, qu’on n’avait guère pris au sérieux mais qui avait parcouru les campagnes à bicyclette, se présentant comme l’homme du peuple face au bourgeois millionnaire.

Il est à noter, pour ces élections, une autre candidature, celle de Barthélemy Delage, du Mas de Vigeville. Celui-ci, dans sa profession de foi, demandait tout simplement la suppression des impôts, la disparition de l’armée, l’élection des femmes, la liberté de la culture du tabac et l’incarcération des députés n’ayant pas tenu leurs promesses. Il n’obtint que 265 voix sur les 19 485 suffrages exprimés.

Alphonse Defumade prépara sa revanche. Il devint pour un temps maire d’Ahun, fonda L’Union démocratique de la Creuse pour faire pièce à La Creuse radicale de Berton. Il se fit connaître dans les milieux agricoles, étant déjà président de la Société centrale d’agriculture du département ; il se fit le protecteur des instituteurs et des cantonniers ; il fonda plusieurs sociétés de secours mutuels ; il exploita au mieux les maladresses de Berton qui avait en particulier voté l’augmentation de l’indemnité parlementaire. Et donc, en 1902, il retrouva son siège au Palais-Bourbon, réélu en 1906, avec dans son programme le vote des retraites ouvrières et l’impôt sur le revenu. Le décès de Ferdinand Villard en 1907 lui ouvrit les portes du Sénat où il fut réélu en 1912. En 1921, son état de santé lui fit renoncer à ce siège mais il tint à se faire réélire conseiller général en 1922. Il mourut à Paris le 18 décembre 1923 et fut inhumé à Saint-Vaury où reposait déjà sa femme, décédée en 1917.

Le bon géant

La générosité d’Alphonse Defumade qui, il est vrai, n’avait pas d’enfant, était grande tant pour les particuliers que pour les collectivités. Dans son testament, rédigé en 1917, il prévoyait de léguer au département ses domaines du Chaussadis et de La Cassière pour y construire une école d’agriculture. En fait, en raison d’une nouvelle loi qui obligeait à fermer les écoles de Crocq et de Genouillac établies sur des propriétés privées, il en fit donation de son vivant et posa lui-même la première pierre de l’établissement le 23 septembre 1923.

Par un deuxième testament établi peu de temps avant son décès, il léguait son immeuble de Guéret et celui de Brie-Comte-Robert aux filles de son ami Pinet, ses propriétés de La Vallette et du Mont-Bernage à la commune de Saint-Vaury (y seront implantés l’hôpital et le lycée professionnel). Les immeubles de Paris devaient être vendus pour financer d’importants legs à ses amis, aux parents de son épouse, à la commune d’Ahun, et à son chauffeur, Silvain Goumy, de Faye, bénéficiaire de la somme de 100 000 francs et aussi de la garde-robe, du fusil et de la chambre à coucher de son maître. Quant aux domaines du Peylet, de Chantemille et de Clameyrat, ils devaient être vendus, le produit des ventes étant affectés aux caisses de écoles du canton d’Ahun. Et c’est ainsi que la caisse des écoles de Pionnat, officiellement créée à cette occasion, reçut en 1924 un capital de 128 955 francs. Hélas l’inflation allait rapidement diminuer de façon drastique la valeur de ce legs…

Daniel Dayen

Portrait d’Alphonse Defumade (vers 1910)

Caricature de la série Politiciens de province (vers 1905)

Pose de la première pierre de l’école d’agriculture d’Ahun (23 septembre 1923)

Buste d’Alphonse Defumade devant la façade du lycée agricole